Juillet

Lundi 3 juillet
De retour vers Lyon, après un week-end partagé entre le Cellier et Saint-Denis la Chevasse. Au programme : les trente ans de François et les un an de son union avec Emma. Moments festifs un peu épicés lorsque j’ai bretté avec un des convives (petit ami d’une copine de François) aux lunettes flash de celui qui ne veut pas vieillir. Entre autres sujets de polémique : le permis de voter, la notion d’aristocratie, le populisme de Le Pen… Quelques passages au piano antique, présent chez le jeune couple, pour déchiffrer quelques airs à quatre doigts, dont un passage de Coldplay, ou improviser plus ou moins judicieusement.
Le samedi soir, les V et B réunis devant le petit écran pour assister, dans une ambiance bon enfant, à l’exploit des bleus du ballon rond. Comme un parfum de 98, pour beaucoup. La psychologie d’un peuple tient à peu de choses : panem, circenses
Trois semaines de labeur avant une quinzaine de jours à s’ébattre vers Brive-la-Gaillarde : des vacances au vert pour se ressourcer.
Rien de transcendant, certes, mais une douceur de vivre sans pareille : cela vaut tous les dépaysements, toutes les improvisations exotiques… A jauger les décennies parcourues, rien ne me sied mieux que le rythme de vie actuel. La raison de l’expérience, sans doute.
André B m’a encore gardé un article sur l’ouvrage de Philippe Delerm consacré à Léautaud. Voilà la démonstration d’un service de presse efficace que n’aura pas connu mon essai sur l’aristocratisme libertaire chez ce bourru redécouvert par la presse.
Mes projets littéraires demeurent bien modestes, et dans l’ombre totale : poursuivre ce journal malgré sa piètre coloration, nourrir de ses pages des blogs sans doute trop chargés car n’acceptant plus de nouvelles illustrations, finir des paroles de L’onde émeraude sur l’air de La chasse aux papillons de Brassens, en hommage aux quarante ans de mariage du couple B. Les quatre premiers quatrains déjà rédigés à l’occasion du repas pris au château de Clermont (dit château de Funès) : les quatre derniers s’axent vers le second acte des célébrations, à Caluire, fin août. Voilà résumé la minime effervescence créative qui irrigue mes loisirs.

Samedi 8 juillet
Veille de communion nationale. Pour une résurgence de l’esprit 98 : au regard des violences primaires entretenues aux quatre coins d’un hexagone illusionné, on peut douter de l’œcuménisme footballistique. Les jeux du peuple ne contentent plus les primaires de la guérilla urbaine. Prétexte du sport pour déchaîner l’instinct destructeur ou l’affalement grégaire.
Reconnaissons la talentueuse résurrection des onze tricolores pour qui l’ingratitude journalistique, emboîtée par quelques supporters mal lunés, a été finalement bénéfique. Les charges de la presse étrangère ont créé la transcendance des joueurs. Pour le reste, folklore habituel des braillards.
Depuis le Red pour rédiger, immergé dans la nimbe de sons : un classique italien contraste avec l’humeur franco-française. Le hasard me met face à deux Italiennes (l’une serait journaliste) qui me snobent.
Surcharge du Lion rouge qui nous fait perler la sueur sans effort. Et l’on poursuit : tour de chants de fraîcheur datée. Surnombre qui défoule les glandes sudoripares et tarit l’inspiration.
Blogs gelés depuis quelques semaines, faute de réaction vive à l’actualité. La focalisation du premier plan médiatique sur la baballe au but…
Un ‘tit air italien pour contenter les quelques visiteurs de la Botte. J’apprends que l’une des deux interlocutrices travaille à Euronews et connaît très bien le chef d’édition, ami de Pedro, ayant même assisté à son mariage. Pas pour autant d’accroche pour poursuivre la conversation.
Petite accalmie dans l’agitation pour du slow en baume apaisant. Râteau de la soirée pour bien pimenter mon humeur réfractaire. Des envies de carotides mâchées, de tronches explosées, de déflagrations al quaïdiennes.
Pas ces lignes qui figureront dans ma sélection pamphlétaire.
Intermède des tubes à fond pour échauffer un peu plus le coin. Un gros lard s’incruste quelques secondes à notre bar…
Bien plus passionnant pour la réflexion, les soubresauts provocateurs de la Corée du Nord : baroud d’honneur, dérapage contrôlé ou improvisation déjantée ?

Samedi 22 juillet, 23h30
Premier jour de vacances à Lagleygeolle, au hameau des Ortheils, signe du relâchement total. Découverte du lieu enchanteur par ses volumes, ses lieux à vivre, sa piscine attractive et son panorama divin. Les propriétaires bailleurs nous accueillent avec toute la gentillesse espérée. Les journées et soirées à venir devraient nous combler.

Dimanche 23 juillet
Avant 9h : profiter de la piscine, en solitaire, avec les légendes du jazz en fond sonore, un ciel bleu à ravir et un sofa pour récupérer de l’effort.
Hier soir, dîner à Collonges-la-Rouge, vers l’église, sur une charmante place sans surcharge humaine. Le débat polémique (voire hystérique) du moment : les interventions militaires d’Israël sont-elles légitimes, disproportionnées ou gratuitement criminelles ? Le conflit israélo-palestinien, dans sa version élargie en l’espèce, échauffe toujours les esprits. Dans les pro-Palestiniens compréhensifs pour les actions violentes du Hezbollah et du Hamas : ma BB et Jim ; dans une défense mesurée d’Israël : papa et moi ; en observatrices plus ou moins attentives : Anna et Aurélia.
23h30. Journée dans cette demeure estivale à se partager entre baignade, bronzette, jeux d’eau, badminton, lecture de La tragédie du Président de Giesbert, le tout sous l’astre chauffant.

Mardi 25 juillet
Rarement je n’ai ressenti un tel vide pour écrire. L’impression de n’avoir plus rien à apporter, me contentant de fadaises crétinisantes sur le temps, des faits matériels sans intérêt et des analyses de comptoir. Bon pour la casse, le gars.
Même un sujet majeur comme la lutte Hezbollah-Israël ne réveille plus rien en moi. Retiré du monde et de toute espèce d’ambition, je vivote gentiment.
Temps orageux sur la Corrèze : les mouches m’emmerdent.
Hier, visite du gouffre de Padirac : de bon aloi avec la fournaise ambiante. D’impressionnantes dimensions au fond desquelles sinue une rivière. Beau.
Voilà ce qui monopolise ma faiblarde inspiration ! Juste histoire de continuer à noircir ces pages, à les numéroter consciencieusement pour atteindre vaillamment, dans quelques jours ou quelques semaines, les mille quatre cents pages manuscrites pour le corps principal, c’est-à-dire sans tenir compte des Manus portables.
Pour revenir à du personnel, l’entente est correcte au sein du groupe familial, malgré quelques conversations musclées et échanges tendus. Les espaces à disposition sont assez vastes pour avoir ses zones de retrait, de solitude cultivée…
Hier soir, les C., loueurs des lieux, nous invitent à un apéritif dînatoire bien agréable. Des gens charmants, généreux, ayant vécu aux quatre coins du monde, et notamment dans plusieurs territoires d’Outre mer français, comme la Polynésie et Wallis et Futuna. On sent chez eux comme un regret d’avoir dû abandonner ces contrées pour s’installer dans la France métropolitaine profonde. Leurs apéritifs locaux (châtaigne, framboise, pêche, abricot…) et leur vin paillé ont comblé nos sens gustatifs.

Vendredi 28 juillet
La Corrèze sous la bruine : tristounet comme les prolongements vocaux d’Alanis Morrissette que j’écoute à l’instant (How Long). La France retrouve peu à peu des températures en phase avec le label en perdition de pays à climat tempéré.
Si je voulais verser dans l’anti-américanisme primaire, tant abhorré par le regretté Revel, l’actualité sportive me fournirait l’abondance des munitions. Non content d’être les champions cyniques de la pollution planétaire, les Ricains récidivent en crottant notre plus populaire événement estival. Comme le souligne une plume acérée de la presse du jour, le fait d’avoir en champion du Tour de France un ex paralytique, qui succède à un cancéreux reconverti sept fois vainqueur, devait nous rendre soupçonneux ou pour le moins circonspect. Et voilà l’affaire au goût de testostérones : Floyd Landis ne doit sa résurrection d’une étape l’autre, saluée alors unanimement par une presse encore trop naïve, qu’à quelque méprisable ingestion, application ou injection d’hormones salvatrices. Après un Armstrong bien plus talentueux (et avec bien d’autres moyens financiers pour la sophistication du dopage) pour demeurer à jamais comme présumé propre, l’Américain 2006 se répand dans la grossière tricherie. « Pôvre couillon ! » a-t-on envie de lui asséner. Sa réserve face à la presse, lors de l’épreuve, ne tenait pas, comme son écurie avait tenté de le justifier, à un goût prononcé pour l’isolement spirituel régénératif (on sait maintenant la senteur bien plus prosaïque de ses sources roboratives), mais au souci d'éviter une grosse gourde en forme d’aveu anticipé de cet esprit faible.
Ne jouons pas pour autant les mijaurées ébouriffées par ce pseudo scandale. La pratique dépasse de très loin le cas du seul pauvre Landis trahi par cette suspecte transfiguration d’un jour sur l’autre.
Bien plus grave, au point que B.-H. Lévy se fende d’un voyage médiatisé avec paroles prophétiques dans sa besace : la guerre Tsahal-Hezbollah. Sentant la bonne récupération à faire, la tentaculaire vermine Al Qaïda, accessoirement d’obédience sunnite, appelle à l’union avec les chiites pour éradiquer le juif, puis, sans doute, sur sa lancée, l’occidental. Peu importe les charretées de musulmans chiites écharpés par des attentats sunnites, l’occasion fait le sinistre larron et les fanatismes se retrouvent pour ces macabres déchaînements de violence toujours recommencés.
En France, les hypocrisies se cultivent en couches. Tout en condamnant le terrorisme, nous acceptons comme des pleutres les discours, ou les simples allusions complaisantes, d’une partie croissante de nos populations d’origine maghrébine ou versées dans la religion musulmane aux relents islamistes, pour les djihads démultipliés depuis le vrai coup d’envoi crédible, un certain 11.09.
Comment accepter cela, de la part de ceux qui jouissent de notre forme de vie, de la souplesse tolérante de notre civilisation version XXIe siècle, alors que le projet des intégristes de l’Islam est l’éradication de notre monde ? Si l’ampleur terrorisante devait s’épanouir jusqu’à cette redoutée guerre des civilisations, chacun devrait choisir clairement son camp, et non verser dans l’allusif tendancieux qui tend à faire d’un salopard sanguinaire, et de ses sbires islamisés, des parangons de l’espérance pour tout musulman. Infecte déviance rampante à dénoncer sans circonvolution.
Prenons l’exemple de figures artistiques populaires comme Jamel Debbouze ou Samy Naceri, je suis certain que leur aversion pour les Etats-Unis, pourtant forme majeure de la civilisation occidentale qui a permis leur réussite, n’a pas d’équivalent de rejet, chez eux, pour la nébuleuse du repoussant Ben Laden. On peut même soupçonner certains d’une forme d’admiration (ou tout au moins de fascination) pour ces tueurs d’Occidentaux. Tout cela dans le non-dit, l’insinué, le suggéré dans un sourire méprisant pour ce qui fonde notre forme laïque d’organisation.

Samedi 29 juillet
Nous fêtons ce soir, dans un restaurant de Brive, l’anniversaire d’Anna.
Journée physique sur des canoës le long de la Dordogne. Des rives sauvages, une eau peuplée de longues herbes folles qui forment, par endroits, un tapis vert aquatique irrégulier. Les occupants changent au gré des kilomètres, mais certains souffrent : ma BB éclatera en sanglots après quelques efforts vains pour diriger l’embarcation qu’elle occupait avec Anna. Pour le reste, du plaisir à glisser sur ces eaux.
L’ouvrage de Giesbert édifie sur les mœurs politiques français : autour de la figure contrastée de Jacques Chirac, une flopée de portraits, souvent vitriolés, des seconds rôles voulant, pour certains, occuper l’avant scène. Le Villepin, notamment, apparaît comme un carnassier prêt au massacre pour combler ses ambitions pantagruéliques. D’autres évocations, plus touchantes, humanisent le personnel politique, et notamment son plus haut représentant : ainsi l’anorexie de Laurence, la fille aînée du président qui, après nombre de tentatives de suicide, ne survivra pas à une défénestration. Le chagrin de cette perte n’a pas, malgré tout, entamé sa gourmandise politique.
La rentrée réservera de saignantes tactiques pour éliminer les concurrents de son propre parti, avant de pouvoir se colleter aux autres. 2002 semble n’avoir servi à rien, car le nombre de candidats qui se profile s’apparente à celui affiché l’année du cataclysme politique au premier tour. Lorsqu’il faut sonner le tocsin sur les grands principes, les politiques se bousculent ; mais dès qu’il faut renoncer à ses propres ambitions pour honorer ces mêmes valeurs, la zone se clairsème au point de désertification. Une gestion schizophrène qui empêche toute expérience de servir dans ce domaine.

Dimanche 30 juillet
Jim et Aurélia partis ce matin vers Fontès via Le Puy-en-Velay pour honorer la tombe de son père mort à quarante ans dans un accident de voiture, probablement ivre au volant.
Une suite de délices culinaires Chez Francis, le restaurant branché, mais cossu, de Brive-la-Gaillarde. Entrée de gourmandises aux saveurs diverses, tartare d’exception à la qualité limousine, préparé au couteau pour préserver tout le relief du goût, sorbet au fromage blanc sur vrai coulis de fruits rouges et saupoudré de brownies maison. Ce restaurant officie depuis quinze ans et ses parties planes (murs, boiseries, plafonds) se couvrent de notations laudatives de gens célèbres, notoires ou reconnus localement. La foire aux livres et les dîners d’après-spectacle ont assuré à l’antre joyeuse des signatures de VIP : de Daniel Prévost à Wolinski, de Pierre Vassiliu au regretté critique gastronomique Petitjean. On retrouve même, en haut d’un des murs, un petit mot de Karine Duchochois, l’un des acquittés d’Outreau reconverti en vedette des médias. La plume, ou le feutre en l’occurrence, de B.-H. Lévy s’est contenté d’un « je m’est bien régaler » avec cette trouvaille si philosophique de fautes à la Omar. Quel effort !
20h. Journée de récupération aux Orteils entre soleil, lecture et somnolence, après la dépense physique de la veille. Une certaine mollesse en moi. Comme de l’insatisfaction insidieuse. L’abandon de toute carrière brillante me minerait-il au fond ? Plus simplement mon caractère, quelle que soit la situation.
Loin des yeux, loin du cœur, le dicton se confirme pour certaines amitiés bien silencieuses depuis leur éloignement de Lyon. Shue et Liselle, notamment. Je me dois de relancer le contact, mais ce ne sera pas par le biais d’une carte postale depuis la Corrèze, n’ayant pas ici leur dernière adresse respective. Enfin voilà, la banalité du soir…
Le phénomène Sudoku supplante les traditionnels mots croisés et confirme la niaiserie de mon esprit en matière de chiffres.

Lundi 31 juillet
A mi chemin des mois dits de grandes vacances et à la moitié dépassée de notre pause estivale, le rythme se ralentit.
Vu, hier soir, le père Ardisson pour sa dernière de Tout le monde en parle enregistrée début juillet par le père d’Anna sur une cassette vidéo de type 180, malheureusement trop court pour nous conduire jusqu’au bouquet final de l’émission avec le maousse Blind test.
Nombre de ses complices présents pour lui rendre hommage et faire leur promo respective ; une bonne part des salariés vedettes de Canal + où il doit faire sa rentrée. Même si je ne suivais quasiment plus son émission hebdomadaire, il faut reconnaître son apport de liberté dans le PAF, avec son talentueux complice Baffie, un peu dans la même veine, par le souffle délivré, que Michel Polac et son Droit de réponse ou Jacques Martin avec Le Petit Rapporteur : l’irrévérence, l’assise intellectuelle, la créativité. Au zénith, le voilà viré par le psychorigide Patrick de Carolis (autre signataire sur le plafond de Chez Francis) pour mettre fin aux cumulards de la TV.
Un peu comme en politique, certains se taillent de belles parts dans les plages horaires des chaînes. Sur le simple plan juridique, le président de France Télévision a donc eu raison de remettre de l’ordre en demandant à Ardisson de choisir entre Paris Première et sa place dans le secteur public. En revanche, dans l’optique richesse télévisuelle, cette décision porte un sale coup aux niches originales face au rouleau compresseur des émissions de masse et de merde.
Ruquier doit récupérer la plage horaire du samedi soir : cela évitera une série américaine de plus ou une bouse de télé-réalité.
Le conflit Tsahal-Hezbollah n’en finit pas de détruire et de tuer. Dès que l’on tente une réflexion sur les justifications respectives, on ne peut raisonnablement donner raison à une partie contre l’autre. J’ai pourtant tendance, contrairement à la tonalité dominante des médias français, à exécrer l’arrière cuisine idéologique du Hezbollah : jamais Israël, ou les religieux juifs, n’ont appelé à l’éradication de la civilisation chrétienne ; c’est, au contraire, le leitmotiv sous-jacent de la démarche des mouvements intégristes et terroristes. Rien à faire, je me sens ennemi de ces groupes, même s’il faut reconnaître le martyre des populations palestiniennes et aujourd’hui libanaises.

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